Le sang Bleu

Blason_du_royaume_de_FranceLa noblesse d’un royaume, d’un pays, d’un peuple ou d’une province renvoie généralement à la notion d’ordre ou de caste et désigne alors un groupe social distinct et hiérarchisé. Généralement endogame et héréditaire, ce groupe social se voit attribuer et réserver des fonctions d’autorité militaire, civile ou religieuse plus ou moins étendues ainsi que certains emplois publics dits alors emplois nobles.

La noblesse occidentale actuelle est issue de plusieurs traditions. Selon Georges Dumézil, les sociétés indo-européennes auraient connu une division tripartite de la société, entre une fonction sacerdotale, une fonction guerrière, et une fonction de production. Les peuples indo-européens auraient connu des aristocraties regroupant les familles exerçant les deux premières fonctions. L’aristocratie romaine aurait suivi ce modèle avant d’être transformée par la mise en place au Ve siècle av. J.-C. d’une nobilitas perdurant jusqu’à la disparition de l’Empire romain d’Occident. Karl Ferdinand Werner a étudié le processus par lequel les rois barbares et surtout les rois Francs ont maintenu ce système en forçant les grands de leur royaume à s’y intégrer. La noblesse de l’Europe occidentale dérive de la noblesse franque, qui se place dans la continuation institutionnelle de la noblesse romaine telle que les empereurs puis la république l’ont façonnée. C’est une classe de détenteurs de la puissance publique selon les règles romaines, composée de Francs et de Gallo-romains et devenue héréditaire sous les derniers Carolingiens.

L’expression « avoir du (ou le) sang bleu » signifie être d’origine royale ou impériale, par extension être noble. Il est à noter que cette expression trouve son origine en Espagne, en effet lorsque les Maures qui envahirent la péninsule en 711 se retrouvèrent face aux nobles Wisigoths (d’origine germanique), ils furent étonnés de la clarté de leur peau et de la couleur bleue de leurs veines qui transparaissaient. L’expression « Sangre azul » fut par la suite utilisée par la noblesse chrétienne actrice de la reconquista, pour insister sur la « pureté » supposée de leur sang. Elle s’est répandue par la suite dans toute l’Europe.

Sinclair-Henry_blasonLes rois Francs répliquèrent ce système de délégation de la potestas aux grands francs et gallo-romains, l’exercice de ce pouvoir public n’était pas héréditaire. Clovis a obligé les grands de l’aristocratie franque à entrer dans sa militia principis s’ils voulaient exercer la potestas publica et à se couler dans le modèle de l’institution nobiliaire romaine. Les grands francs rentrèrent dans la noblesse en assumant des fonctions publiques ou honores mais ceux-ci n’étaient pas héréditaires et la noblesse ne l’était donc pas non plus. Clovis a ainsi créé une nobilitas formée par la noblesse sénatoriale gallo-romaine et par les maiores natu ou grands des peuples barbares, qui purent entrer dans sa militia principis en jurant obéissance « à la romaine » (obsequium) au nouveau maître. Clovis conserve le droit romain pour les Romains et pour l’Eglise catholique.

La noblesse héréditaire naît ultérieurement. Le IXe siècle apporta en effet au modèle de la distribution de la potestas publica par le souverain des changements qui sont à l’origine d’une augmentation du nombre des détenteurs de la principalis potestas. Louis le Pieux entreprit des réformes importantes dans l’Église et l’Empire allant en effet dans le sens de davantage de partage de responsabilité ; cette nouvelle consigne sera suivie à la lettre par le haut clergé et les grands qui prirent des initiatives allant dans le sens de leurs intérêts. La noblesse ne devient pas institution privée, mais demeure une classe d’agents investis de l’autorité publique ou publica potestas, bien que cette classe soit devenue héréditaire sous Louis le Pieux et ses fils. Avec l’expansion franque, ce modèle se généralisa aux royaumes chrétiens proches du royaume des Francs.

philippe1La vassalité et l’hérédité au IXe siècle, puis l’appropriation au Xe et XIe siècles du « par la grâce de Dieu » vont créer une nouvelle couche de dynastes, les princes territoriaux, qui comme le roi, portent le titre de princeps et s’approprient la puissance publique.

Initialement, les nobles francs sont détenteurs de fonctions héréditaires, quoique dépendantes du bon vouloir des souverains ; ils sont ainsi assez comparables à des hauts fonctionnaires, hors l’hérédité de leurs fonctions. Cependant, à partir de 877, par le capitulaire de Quierzy-sur-Oise, l’hérédité des domaines (les « honneurs ») et des charges se met en place, donnant naissance progressivement à la féodalité. Le pouvoir se désagrégeant, la noblesse finit par s’identifier au seigneur local, le miles. Le pouvoir public, le fisc, l’administration, la gestion des domaines forestiers, voirie, la sécurité, le réseau fluvial passèrent ainsi en quelques siècles du pouvoir impérial au pouvoir royal puis aux princes territoriaux.

Les titres de noblesse existent encore officiellement aujourd’hui dans les monarchies européennes, soit parce qu’ils sont attachés à l’histoire des familles royales, soit comme récompense pour services rendus à la nation. Aujourd’hui, on observe une distinction entre la noblesse ancienne et la noblesse contemporaine : la première remonte parfois à des temps immémoriaux, la seconde a gagné ses titres (souvent héréditaires comme en Belgique ou en Espagne, ou non transmissible aux descendants comme au Royaume-Uni) par son action dans l’armée, la haute finance (Empain), la politique (Thatcher, Suárez), les sciences (Alexander Fleming, Dirk Frimout), les arts (Dali, James Ensor, Gros, Sean Connery, Elton John, Annie Cordy, Joaquín Rodrigo) ou les sports (Eddy Merckx, Sebastian Coe, Ellen MacArthur).

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