Antoine Boulianne, mort au combat durant la campagne d’Égypte, mérita la réputation de l’un des plus intrépides soldats de l’armée (1799)

Voici la courte histoire de l’un de mes cousins fort éloigné, Antoine Boulianne, soldat à la 85° demi-brigade d’infanterie de ligne. Celui-ci est né sur les terres des comtes de Foix, à Sabarat en Ariège, non loin de Rennes-le-Château, du château de Montségur et du château de Montréal-de-Sos situé au-dessus du hameau d’Olbier, sur la commune française d’Auzat, dans la vallée de Vicdessos (voir la carte). Cette région fut le territoire privilégié des Wisigoths (« Goths sages » ou « Goths de l’ouest »), des Fils de l’Ours héritiers du roi mérovingien Dagobert II, et plus tard des Cathares, réputés pour avoir possédé et protégé le Saint Graal durant la « croisade contre les albigeois ».

Avant d’avoir atteint sa 18° année, Antoine Boulianne entra en qualité de volontaire dans la 85° demi-brigade (85e RI), un régiment d’infanterie de l’Armée de terre française, à double héritage, créé sous la Révolution à partir du régiment de Diesbach, un régiment d’infanterie suisse au service du Royaume de France, et du 10e régiment d’infanterie légère créé à partir des chasseurs du Gévaudan. Boulianne ne tarda pas à partager la gloire dont se couvrit ce corps dans les premières guerres de la révolution. Après avoir déployé la plus grande bravoure dans plusieurs combats, il fit partie de l’expédition d’Egypte, pendant laquelle il mérita la réputation de l’un des plus intrépides soldats de l’armée.

Le 9 février 1799, les Turcs en grand nombre s’étaient retranchés dans une maison, d’où ils fusillaient les troupes sans qu’il fût possible de répondre à leur feu. Boulianne, irrité de ce qu’à l’abri des murailles, ces musulmans lançaient impunément la mort dans les rangs des Français, s’avança jusqu’à l’entrée de cette maison, en brisa la porte à coups de crosse de fusil, renversa les barricades qui empêchaient de pénétrer jusqu’à l’ennemi, et appela ses camarades, qui arrivèrent trop tard pour le seconder, car il venait de recevoir le coup mortel, mais assez tôt pour le venger. La maison fut prise d’assaut et les Musulmans passés à la baïonnette.


La dernière lutte de Antoine Boulianne

En 1798 la France et l’Angleterre, dont la suprématie navale s’accroît, sont en guerre. La paix de Campoformio encourage Bonaparte, général des armées, à attaquer la puissance rivale par le biais d’une expédition en Egypte, gouvernée par les mamelouks et dont le sultan reste soumis à l’Empire ottoman. Si Bonaparte trouve dans sa passion de l’Orient le moyen de conserver sa gloire, cette expédition permet au Directoire d’éloigner un homme dont les succès militaires et la popularité sont jugés dangereux.

Soutenu par Talleyrand, le vainqueur de Rivoli part le 19 mai 1798 à la tête de 54 000 hommes, dont les généraux d’Italie ainsi que Kléber et Desaix. Plus de cent cinquante savants, ingénieurs et artistes les suivent. Militairement, l’expédition se révèle être un échec : après la victoire des Pyramides sur les mamelouks, la situation s’aggrave sous la pression de la flotte de l’amiral Nelson à Aboukir et de la seconde coalition.

Sur le plan scientifique, en revanche, les résultats sont extraordinaires : découverte de la pierre de Rosette à l’origine du déchiffrage des hiéroglyphes par Champollion, relevés topographiques, étude des arts, de la société, de l’architecture, de la faune, de la flore. L’Egypte est ainsi révélée au monde et l’Institut, qui lui est entièrement dédié, est fondé au Caire.

La fin de cette même année 1798 fut marquée par la conquête du royaume de Naples par le général Championnet, qui s’empara de la capitale, après deux journées de combats acharnés (22 et 23 janvier). A la prise de la porte Capuana, où les grenadiers, conduits, par le chef d’état-major Thiébault, enlevèrent à la baïonnette toute l’artillerie ennemie, Duhesme dit à cet officier que Championnet venait de nommer adjudant-général sur le champ de bataille :

« Voilà ce qui s’appelle arriver à un beau grade par une belle porte! »

Cependant, le ministère ottoman, travaillé par les agents britanniques, était resté abandonné aux dangereuses influences de l’Angleterre. Aussi, dans les derniers jours de l’année 1798, la Porte déclare la guerre à la République française et fait distribuer en Égypte un manifeste où elle appelle tous les défenseurs de l’Islam aux armes contre les Français. En même temps, deux armées turques se réunissent: l’une à Rhodes, l’autre en Syrie pour attaquer l’Égypte. Déjà, cette dernière armée a envoyé son avant-garde jusqu’à El-Arisch et forme des magasins considérables à Jaffa.

Les Français doivent prendre rapidement l’offensive. Bonaparte décide d’entrer en Syrie et de profiter de la saison d’hiver, pour franchir les soixante-quinze lieues de désert, qui séparent ce pays de l’Egypte. Le général en chef réunit aussitôt une armée de dix-huit mille hommes et marche en avant.

Le 10 février, le général Lagrange, avec deux bataillons de la 83°, un bataillon de la 75° et deux pièces de canon, formant l’avant-garde de Reynier, arrive devant le village d’El-Arisch, dont les maisons en amphithéâtre sont crénelées et défendues par deux mille hommes des troupes de Djezzar, pacha de Saint-Jean-d’Acre. Le général Reynier fait battre la charge ; à l’instant les trois bataillons d’infanterie se précipitent à la baïonnette et entrent dans le village. La résistance de l’ennemi est des plus vives. Plusieurs centaines de Turcs se sont retranchés dans un conak (grande maison), d’où ils fusillent nos troupes, sans qu’il soit possible de répondre à leur feu. Un brave soldat de la 85°, nommé Antoine Boulianne, irrité des pertes que les musulmans, à l’abri des murailles, font subir à son bataillon, s’élance contre cette maison, en enfonce la porte à coups de crosse de fusil, renverse les meubles entassés derrière cette porte pour empêcher de pénétrer dans l’intérieur du conak, et appelle à lui ses camarades. Ceux-ci accourent, mais déjà le brave Boulianne est tombé, frappé à mort. Les soldats de la 85° envahissent alors cette maison et passent tous ses défenseurs à la pointe de leurs baïonnettes.

Le château d’El-Arisch est aussitôt investi et capitule le 18 février. Quatre jours après, l’armée ayant la division Kléber pour avant-garde, se met en marche, afin de se porter sur Kan-Jounes, premier village de la Palestine, en sortant du désert. Le lendemain, le général en chef, avec son état-major, part d’El-Arisch, escorté par cent hommes à cheval et par l’escadron des dromadaires. En passant par Cheik-Zoé, il remarque avec étonnement que les fossés où les fellahs cachent leur blé et leur paille n’ont pas été souillés. On ne rencontre pas un seul soldat en arrière, ce que peut expliquer la crainte inspirée aux traînards par les Bédouins.


RÉFÉRENCES :

Partager cet article sur les réseaux sociaux :
Traduire/Translate
Ce contenu est protégé ! Merci.