La maison Alfred Bouliane, située à La Malbaie, fut immortalisée dans l’ouvrage de l’historien et archiviste Pierre-Georges Roy

Nous avons retrouvé dans les archives de Montréal, une ancienne photographie de la maison Alfred Bouliane qui se situait tout près de l’ancien Hôtel de Ville de l’ex-paroisse de Rivière-Malbaie, à Charlevoix au Québec (Cote: CA M001 BM042-Y-1-P2504/G-2504). Produite par Edgar Gariépy, cette photographie a été publiée en 1927 par la Commission des monuments historiques de la province de Québec, dans l’ouvrage de l’historien et archiviste québécois Pierre-Georges Roy intitulé « Vieux manoirs, vieilles maisons ». [1] Cet ouvrage est probablement le fruit du travail de tous les membres de la Commission des monuments historiques. Toutefois, l’archiviste Pierre-Georges Roy est généralement désigné comme le seul rédacteur de ce travail.

L’abondant corpus documentaire — auquel est ajouté un impressionnant corpus visuel — est offert au public sous la forme d’un ouvrage très abondamment illustré pour l’époque et se distinguant par la qualité de l’édition. Avec cet ouvrage qui recense les biens et qui compile les informations historiques sur ceux-ci, les commissaires produisent des instruments de premier ordre afin d’alimenter le travail des promoteurs touristiques. D’ailleurs, les membres de la Commission démontrent une nette compréhension de ce rôle dans leur troisième rapport :

[les] volumes publiés par la Commission des Monuments Historiques ont contribué − on a bien voulu nous le dire de toutes parts − à faire connaître notre province à l’étranger et à attirer dans nos villes et nos campagnes des milliers de touristes américains désireux de voir nos trésors historiques de toutes sortes.

Ainsi, les inventaires de l’organisme participent directement à la reconnaissance des biens historiques de la province. Cette promotion à l’extérieur du Québec est de plus facilitée par la traduction anglaise du livre « Vieux manoirs, vieilles maisons ». Dans cet ouvrage, on oppose la vieille habitation, symbole de l’âme de tout un peuple, aux maisons modernes, perçues comme étrangères. Comme le questionnent les commissaires : « sommes-nous chez nous dans nos maisons modernes comme nos ancêtres étaient chez eux dans leurs vieux logis aux divisions si simples et si familiales ? » [2] Le professeur et historien Pierre-Olivier Ouellet, écrit dans la Revue d’histoire de l’Amérique française : « Les commissaires investissent ces architectures de dimensions nationaliste, nostalgique et idéalisante du passé dans un discours antimoderniste. Dans une attitude de repli sur soi face aux rapides transformations de l’époque industrielle, les biens historiques deviennent ainsi des reliques identitaires à chérir et à préserver. Mais cette écriture — que l’on croit d’abord rebutante pour le voyageur provenant des cités modernes et parcourant l’Amérique au moyen de son automobile — constitue en fait le meilleur moyen de valoriser les attraits de la province. »

Le professeur conclut ainsi : « L’antimodernisme et les racines de l’identité nationale, matérialisées par certains biens, permettent ainsi au touriste d’espérer une expérience élevée au-dessus du quotidien et des seuls intérêts modernes, industriels ou économiques du territoire visité. Dans ce même esprit, en se portant garant des qualités historiques et en construisant le caractère identitaire des monuments, les commissaires, spécialistes de la culture nationale, jouent donc un rôle productif dans la valorisation des attraits de la province. » [3]

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La maison Alfred Bouliane dans le livre de Philippe Dubé

Philippe Dubé, Deux cents ans villégiature dans Charlevoix

La photographie de Edgar Gariépy représentant la maison Alfred Bouliane (négatif sur pellicule de nitrate de cellulose ; 9,8 x 6,1 cm, 1925), a plus tard été reprise dans l’ouvrage du professeur de muséologie Philippe Dubé, intitulé “Deux cents ans de villégiature dans Charlevoix”. [4] Tant par ses textes que par ses illustrations, cet ouvrage constitue une éloquente collection de documents dévoilant l’histoire insoupçonnée de Charlevoix. Le livre fut traduit en anglais par Anthony Martin-Sperry sous le titre “Charlevoix: Two Centuries at Murray Bay”. D’ailleurs, le traducteur fut l’un des finalistes pour le Prix du Gouverneur général en 1990.

Mario Lalancette écrit dans la Revue d’histoire de l’Amérique française : « Ce livre plein de panache est à sa manière une intéressante contribution à l’histoire de Charlevoix et de la villégiature de luxe au Québec. Même si ses défauts lui donnent parfois l’allure d’un véritable catalogue publicitaire, l’ouvrage recèle de nombreuses richesses. La plus tangible réside dans les centaines d’illustrations permettant de découvrir des images de La Malbaie d’hier et d’aujourd’hui. Cette opulence iconographique et l’ampleur de la bibliographie témoignent d’une belle recherche exhaustive. » [5] On lit dans le livre de Philippe Dubé : « Avec sagesse, l’architecte [Robert Walker Humphrey] a élaboré son projet à partir des spécimens existant dans la région. Pour exprimer peut-être la noblesse des maisons québécoises, le plan fait référence à l’« Habitation Alfred Bouliane » dont une photographie a paru dans l’ouvrage de Pierre-Georges Roy, “Vieux manoirs, vieilles maisons”, à moins qu’Humphrey n’ait étudié attentivement sur place ces mansardes à quatre pans. Quoi qu’il en soit, il réussit, par ses dimensions et ses proportions. à donner une réalité historique à son projet. »

L’auteur poursuit : « Un beau spécimen d’architecture traditionnelle, l’« Habitation Alfred Bouliane » est une maison au toit mansardé, à quatre versants prolongés par de courts larmiers incurvés. Bien qu’ayant une origine française, ce type de toiture galbée, en vogue dans la seconde moitié du XIXe siècle, semble avoir été popularisé aux États-Unis avant d’être définitivement adopté par les Canadiens. » [6] À l’époque où Pierre-Georges Roy écrivait son livre « Vieux manoirs, vieilles maisons », on donnait deux cents ans d’existence à cette maison. L’archiviste écrit : « La carré de la maison Alfred Bouliane est certainement d’un âge fort respectable », précisant que le toit n’avait pas plus de cinquante à soixante ans au moment où l’ouvrage était rédigé. Cette habitation date donc de l’époque où l’ancêtre commun de tous les Boulianne en Amérique du Nord, Jean-Marc de Bouillanne, émigra en Nouvelle-France. [7]

N’oublions pas que c’est à partir de La Malbaie qu’un groupe d’hommes s’associa en 1837 pour former une société d’exploitation forestière au Saguenay. Un de ces actionnaires était François Boulianne, beau-frère d’Alexis Tremblay dit Picoté, l’instigateur et promoteur de la Société des vingt-et-un. Leur incursion sur un territoire jusque là fermé à la colonisation est considérée comme l’événement ayant permis le développement et l’implantation de colons dans la région. L’arrivée de la Société des vingt-et-un au Saguenay est le premier évènement historique désigné par le Ministère de la Culture et des Communications, le 6 juin 2013. [8]

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RÉFÉRENCES :

  1. Pierre-Georges Roy : Vieux manoirs, vieilles maisons. Publié par la Commission des Monuments Historiques de la Province de Québec. Imprimé par Ls-A. Proulx, 1927, p. 241.
  2. P.-G. Roy, Vieux manoirs…, op. cit., vii.
  3. Pierre-Olivier Ouellet : « Nos routes se couvrent de touristes à la recherche de nos
    reliques du passé ». Les débuts de la Commission des monuments historiques (1922-1928). Publié dans: Revue d’histoire de l’Amérique française. Volume 61, numéro 2, automne 2007. pp. 242-246.
  4. Philippe Dubé (avec la collaboration de Jacques BLOUIN, photographe) : Deux cents ans de villégiature dans Charlevoix. L’histoire du pays visité. Presses de l’Université Laval, Québec 1986.
  5. Mario Lalancette : DUBÉ, Philippe, avec la collaboration de Jacques BLOUIN, photographe, Deux cents ans de villégiature dans Charlevoix. L’histoire du pays visité. Québec, Presses de l’Université Laval, 1986. 336 p. 29,00 $. Publié dans la Revue d’histoire de l’Amérique française. Volume 40, numéro 4, printemps 1987, p. 503-665.
  6. Anthony Martin-Sperry : Charlevoix: Two Centuries at Murray Bay (contributors: Blouin, Jacques. ; Martin-Sperry, Tony). Kingston & Montreal: McQueen’s University Press. First edition, first printing, 1990, pp. 153 et 156.
  7. Guy Boulianne : Jean-Marc de Bouillanne, ou la révolte d’un Huguenot en Nouvelle-France. Publié le 20 août 2016.
  8. Guy Boulianne : François Boulianne (1802-1877) fut l’un des 21 membres de la Société des vingt-et-un. Publié le 21 juillet 2019.
Centre d’archives régional de Charlevoix
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